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Instruction : quelques précisions de la Cour de cassation

Pénal - Procédure pénale
12/05/2021
Pièces versées au dossier en cours de délibéré, note du juge d’instruction versée au dossier, date d’un réquisitoire supplétif, géolocalisation du véhicule, sonorisation de la cellule d’un détenu ordonnée dans une procédure distincte et exploitation de la copie de ces enregistrements. Retour sur l’arrêt rendu par la Cour de cassation du 11 mai 2021 qui apporte des précisions quant à l’information judiciaire.
Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre d’un homme. Plusieurs dispositions de l’arrêt de la cour d’appel ont été contestées en cassation, notamment concernant le contenu du dossier de procédure, la géolocalisation du véhicule ou encore l’exploitation d’une copie réalisée par un expert du scellé de la sonorisation de la cellule d’un détenu ordonnée dans une procédure distincte.
 
Dans un arrêt du 11 mai 2021, la Cour de cassation revient sur ces différents points et censure partiellement l’arrêt rendu.
 
 
Pièces versées durant le délibéré - La Cour de cassation vient préciser qu’ « aucune disposition légale ou conventionnelle n’interdit à la chambre de l’instruction, lors de l’examen d’une requête en nullité, de prononcer au vu de pièces versées au dossier en cours de délibéré, à la condition de rouvrir les débats afin de soumettre celles-ci au débat contradictoire ». C’est donc à bon droit que la chambre de l’instruction qui a constaté que des pièces avaient été versées au dossier durant le délibéré, a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure, sans statuer sur la requête, après avoir estimé que la connaissance de ces pièces était indispensable à son examen.
 
De plus, la chambre de l’instruction peut inviter le juge d’instruction à préciser dans une note versée au dossier les circonstances du versement en cours du délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l’enquête préliminaire sur lequel il repose. La Haute juridiction précise que l’invitation faite au juge d’instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession « ne constitue pas un acte d’information complémentaire, au sens de l’article 201 du Code de procédure pénale ».
 
 
Date du réquisitoire - Sur une demande de nullité d’un réquisitoire supplétif prise du caractère incertain de sa date, la Haute juridiction précise que « la date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu’à inscription de faux ». De plus, elle précise que la circonstance que les pièces du dossier n’aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d’instruction, « n’est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure ». Enfin, un réquisitoire introductif ne peut être annulé « que s’il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ».
 
 
Géolocalisation du véhicule – Le demandeur soulève le fait que la date et l’heure de la pose du dispositif et du début de l’enregistrement ne sont pas précisées, ni l’identité de celui ou ceux qui ont procédé à la mise en place du dispositif. La Haute juridiction estime que le demandeur ne saurait se faire grief de ces absences estimant :
- qu’« il résulte des mentions des procès-verbaux que les opérations de mise en place du dispositif de géolocalisation n’ont eu lieu ni en urgence, en application de l’article 230-35 du Code de procédure pénale et ne nécessitaient dès lors pas une décision écrite du magistrat dans un délai de vingt-quatre heures pour la poursuite des opérations, ni dans un lieu privé, au sens de l’article 230-34 dudit Code, imposant une autorisation écrite du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, selon l’heure de pose » ;
- les données de géolocalisation exploitées en procédure ont bien été enregistrées durant la période d’enregistrement mentionnée au procès-verbal ;
- et l’article 230-36 prévoit que seule doit figurer la mention du service auquel appartient l’agent ayant procédé à l’opération.
« Tel est le cas en l’espèce ».
 

Sonorisation de la cellule du détenu – L’intéressé souhaite faire annuler le versement au dossier de la procédure l’intégralité des enregistrements réalisés dans le cadre d’une autre procédure lors de la sonorisation d’une cellule à la prison des Baumettes ainsi que les actes d’exploitation de cet enregistrement et tous les actes subséquents. La Cour d’appel refuse estimant que cette exploitation a été « effectuée dans le cadre d’une commission rogatoire du juge d’instruction, sous l’autorité et le contrôle effectif de ce magistrat et que seules les conversations utiles à la manifestation de la vérité sur les faits, objet du présent dossier ont été retranscrites ». L’opération a été réalisée conformément aux articles 81, 151 et suivants du Code de procédure pénale et aucune atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes concernées n’a été portée.
 
Confirmation de la Cour de cassation qui affirme qu’ « aucune disposition conventionnelle ou légale n’interdit au juge d’instruction, agissant en application de l’article 81 du Code de procédure pénale, d’exploiter dans le cadre d’une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d’une autre procédure ».
 
 
Interrogatoire de première comparution – La cour d’appel annule l’interrogatoire estimant que la teneur des pièces sur la base desquelles le réquisitoire a été pris n’était aucunement accessible à l’intéressé et à sa défense lors de ces actes. Elle note que cette cause d’irrégularité n’étant pas propre au seul requérant, les conséquences en seront tirées à l’égard de deux autres personnes.
 
Confirmation de la Haute juridiction qui note que « l’absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils des pièces de l’enquête sur la base desquelles le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 a été délivré, déterminantes de l’étendue de la saisine du juge d’instruction et de leur mise en examen, ainsi que le défaut de mention de ce réquisitoire dans les procès-verbaux des interrogatoires de première comparution des personnes mises en examen précitées, ont nécessairement porté atteinte aux droits de la défense ».
 
 
Copie de travail des enregistrements effectués dans le cadre d’une procédure distincte conservée – L’arrêt de la cour d’appel qui énonce que la conservation d’une copie, après la retranscription des seules conversations estimées utiles pour l’exécution du mandat judiciaire, n’affecte pas la régularité ni des opérations de sonorisation légalement ordonnées et réalisées ni du placement des enregistrements sous scellés fermés doit être censuré.
 
En effet, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 706-100 du Code de procédure pénale « les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l’exploitation d’un dispositif de sonorisation ou de fixation d’images doivent être placés sous scellés ». Les officiers ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements « que pour les besoins et dans le temps de l’exécution de la mission confiée par le juge d’instruction ».
 
Conclusion : en retenant que les enquêteurs ont procédé à la rédaction d’un procès-verbal « sur la base d’une copie de travail qu’ils avaient conservée alors qu’ils avaient achevé la mission que leur avait confiée le juge d’instruction, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ».
 
 
 
Source : Actualités du droit