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Refus d’accorder un droit de visite au parent d’un enfant né par PMA : le respect du droit à une vie familiale n’est pas violé

Civil - Personnes et famille/patrimoine
18/11/2020
Selon la CEDH, l’État français ne méconnait pas son obligation positive de garantir le respect effectif du droit à la vie familiale en refusant d’accorder un droit de visite et d’hébergement au parent d’un enfant né par PMA, dès lors qu’il a fait primer l’intérêt supérieur de l’enfant.
 
Les faits
La requérante, et son ex-compagne (C.) ont eu recours à la procréation médicalement assistée en Belgique afin d’avoir un enfant ensemble. C. donna naissance à un enfant en 2007 qui fut déclaré à l’état civil par la requérante. Alors qu’elles avaient conclu un PACS en 2009, celui-ci est rompu en 2012. C. s’opposa à un maintien des relations entre la requérante et l’enfant. Le juge aux affaires familiales avait donc été saisi par la requérante, d’une demande de droit de visite et d’hébergement sur le fondement de l’article 371-4 du code civil.
 
Suivant jugement du 24 décembre 2013, le Tribunal de grande instance de Créteil accorda à la requérante un droit de visite et d’hébergement au motif qu’elle avait effectivement apporté la preuve qu’elle contribuait à l’éducation et l’entretien de l’enfant avec lequel elle avait noué des liens durables.
Le refus de C. était contraire à l’intérêt de l’enfant, selon le TGI.
 
La cour d’appel de Paris infirma ce jugement au regard d’un certain nombre d’éléments. Elle a relevé que, l’enfant lui-même, pris au milieu du conflit lié à la séparation, a manifesté « une hostilité franche au fait de devoir se rendre chez la requérante dans le cadre d’un droit de visite et d’hébergement » qui a pu donner lieu à « des manifestations somatiques sévères ». La juridiction d’appel a considéré que le contexte ne permettait pas de maintenir un lien entre la requérante et l’enfant « avant même tout examen médico-psychologique ou psychiatrique complémentaire [demandé par la requérante], la cour disposant des éléments suffisants pour évaluer la dangerosité pour cet enfant au maintien de telles rencontres dans le climat passionnel et déraisonnable qui existe entre les deux ex-compagnes ».
 
La Cour de cassation rejeta le pourvoi de la requérante qui soutenait que des éléments de preuve n’avaient pas été pris en compte par la cour d’appel. Et, elle versa au débat une décision de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins d’Ile‑de-France qui avait prononcé un blâme à l’encontre du médecin de la partie adverse qui avait fourni des certificats de complaisance et dont la rédaction a été jugée « biaisée ».
 
Réponse de la CEDH
C’est dans ce contexte que la requérante saisit la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant une atteinte à son droit au respect de sa vie familiale. Elle fait grief à la cour d’appel de Paris d’avoir écarté sa demande d’expertise médico-psychologique et d’enquête sociale alors que son ex-compagne et le parquet l’avaient également sollicité.
 
La Cour européenne déclare qu’il n’y a pas de doute sur le fait que les relations entre la requérante et l’enfant relèvent de la vie familiale au sens de l’article 8 de la CEDH. Ce fait n’étant par ailleurs, pas remis en cause par les parties.
 
Dans le cadre de cette affaire, la Cour relève que deux intérêts étaient en jeu : le droit au respect de la vie familiale de la requérante et le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que les droits des deux parties au regard de l’article 8 de la Convention. La Haute juridiction européenne doit donc déterminer si l’État, compte tenu de son large pouvoir d’appréciation a su ménager un équilibre entre ses deux intérêts, « étant entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer ».
 
Tout d’abord, la Cour européenne note que le cadre légal français, c’est-à-dire l’article 371-4 du code civil, a permis à la requérante de faire reconnaître et aider (par voie judiciaire) à préserver le lien qu’elle avait noué de facto, avec l’enfant.
 
Par la suite, la Cour déduit de l’arrêt de la cour d’appel de Paris que c’est l’intérêt de l’enfant qui a primé : « les rencontres entre la requérante et l’enfant étaient trop traumatisantes pour ce dernier, et qu’il n’était donc pas dans son intérêt de les poursuivre ».
 
S’agissant des griefs relatifs à l’absence de prise en compte de certaines pièces fournies par la requérante et du refus d’ordonner une expertise, la Cour européenne répond que rien ne permet d’affirmer que les éléments de preuve n’ont pas été pris en compte par la cour d’appel. Cette dernière ne s’est pas fondée sur les certificats de complaisance du médecin sanctionné « de manière déterminante ». En outre, souligne la Cour, les États disposent « d’une très large marge de manœuvre en matière d’administration de la preuve, sous réserve qu’ils ne se livrent pas à l’arbitraire, et qu’il revient aux juridictions internes d’apprécier la valeur probante des éléments qui leur sont soumis ». Si la cour d’appel de Paris n’a pas jugé nécessaire d’ordonner une expertise médico-psychologique ou une enquête sociale, c’est qu’elle considérait qu’elle avait suffisamment de preuve pour statuer sur la situation de la requérante.
 
Quant à la solution de rencontres médiatisées proposée par la requérante, elle se heurte une fois de plus à l’intérêt supérieur de l’enfant qui a développé des traumatismes du fait de leurs précédentes rencontres.
 
En conséquence, si « la Cour comprend la souffrance que la situation litigieuse et la réponse que lui a donnée la cour d’appel de Paris ont pu causer à la requérante. Elle estime cependant que ses droits ne sauraient primer sur l’intérêt supérieur de l’enfant ».

La requête est donc rejetée, l’État français n’a pas violé l’article 8 de la Convention.
 
 
Source : Actualités du droit