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Délit de violation répétée du confinement : le Conseil constitutionnel saisi

Pénal - Procédure pénale
13/05/2020
La loi d’urgence pour faire face à l’épidémie Covid-19 a créé un délit pour sanctionner le non-respect du confinement à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours. Dispositions fortement contestées, trois QPC viennent d’être transmises au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation le 13 mai 2020. 
Trois questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées le même jour au Conseil constitutionnel pour une même disposition. Après un renvoi du tribunal judiciaire de Paris, celui de Poitiers et celui de Bobigny (v. Sanction prévue pour non-respect du confinement : une QPC transmise à la Cour de cassation, Actualités du droit, 10 avr. 2020) à la Cour de cassation, cette dernière a tranché : le Conseil doit statuer sur la constitutionnalité des dispositions contestées.
 
Les Sages vont devoir décider : « Les dispositions de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique, créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe de légalité des délits et à l’exigence pour le législateur d’épuiser sa propre compétence, ainsi qu’au principe de la présomption d’innocence » ?
 
Pour rappel, l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique prévoit la violation d’interdictions édictées par le 2° de l’article L. 3131-15 du même Code, à savoir l’interdiction « aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ».
 
Plus spécifiquement, l’alinéa 4 dispose qu’en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, « les faits sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général (…) et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l'infraction a été commise à l'aide d'un véhicule ».
 
L’une des QPC dénonce même une atteinte à un recours effectif, le délai légal de contestation de la contravention de 45 jours. Avec la mise en place de l’état d’urgence sanitaire, le délai a doublé (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, JO 26 mars, v. Covid-19 : ce que prévoit l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 25 mars 2020) alors que le nouveau délit prévoit une violation à plus de trois reprises dans un délai de 30 jours. 
 
Pour la Cour de cassation les différentes QPC, contestant la même disposition, présentent un caractère sérieux. Oui, la disposition est susceptible de porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines encadré par l’article 8 de la DDHC et au principe de la présomption d’innocence protégé par l’article 9. 
 
En effet, selon les Hauts magistrats, un délit a été créé et se caractérise par la répétition de simples verbalisations « réprimant la méconnaissance d’obligations ou d’interdictions dont le contenu pourrait n’être pas défini de manière suffisamment précise dans la loi qui renvoie à un décret du Premier ministre ». Les QPC sont donc transmises au Conseil constitutionnel qui devra décider si les dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique sont constitutionnelles.
 
Rappelons que les sanctions pour non-respect des mesures de confinement ont été modifiées à de nombreuses reprises (v. Non-respect du confinement : des amendes forfaitaires en cas de récidive, Actualités du droit, 3 avr. 2020) : 
- un premier passage de 38 à 135 euros ;
- le vote d’une peine graduée avec la création d’un délit en cas de verbalisation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours ;
- l’application de la procédure de l’amende forfaitaire aux contraventions de la cinquième classe visant à réprimer la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence.
 
Christophe Castaner a, sur ce sujet, indiqué le 11 mai 2020 que sur 20,7 millions de contrôles, il y a eu 1,1 million de verbalisation depuis la mise en place des mesures de restriction des déplacements. Deux tiers concernent des personnes sans attestation.
 
Source : Actualités du droit