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La semaine du droit de la responsabilité

Civil - Responsabilité
31/03/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit de la responsabilité, la semaine du 16 mars 2020.
Responsabilité contractuelle – constructeur – prescription
 
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 janvier 2019), par marché du 14 octobre 2009, la société Bouygues immobilier (la société Bouygues) a confié, en qualité de maître de l’ouvrage, à la Société de travaux publics et de construction du littoral (la société STPCL) l’exécution de travaux de voirie et réseaux divers dans la propriété de Monsieur et Madame X (les consorts X).
Le 25 mars 2010, se plaignant du retard dans la réalisation des travaux et de désordres, ceux-ci ont assigné en référé les sociétés Bouygues et STPCL et ont obtenu la désignation, par ordonnance du 31 mars 2010, d’un technicien qui a déposé son rapport le 25 octobre 2011.
Les consorts X ont conclu une transaction d’indemnisation avec la société Bouygues, qui a assigné, le 14 décembre 2015, la société STPCL en indemnisation de ses préjudices
(…) Vu les articles 2224, 2239 et 2241 du code civil et l’article L. 110-4 du Code de commerce :
Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il résulte du dernier de ces textes que le même délai s’applique aux actions entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.
Selon le deuxième et le troisième de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
L’article 1792-4-3 du Code civil, créé par la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l’exception de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du même code, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Ce texte ne saurait ainsi recevoir application lorsqu’aucune réception de l’ouvrage n’est intervenue.
La Cour de cassation avait décidé, avant l’entrée en vigueur de la loi précitée, que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres de construction révélés en l’absence de réception se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage (3e Civ., 24 mai 2006, pourvoi no 04-19.716, Bull. 2006, III, no 132). Le délai d’action contre le constructeur, initialement de trente ans, avait ainsi été réduit.
L’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans et ce délai est repris par l’article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la même loi, pour les actions nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.
Dès lors, la cour d’appel a exactement retenu que le délai de prescription applicable en la cause était celui de cinq ans prévu par ces textes et que ce délai avait commencé à courir à compter du jour où la société Bouygues avait connu les faits lui permettant d'exercer son action à l'encontre de la société STPCL, soit le jour de l'assignation en référé du 25 mars 2010.
Cependant, la Cour de cassation a jugé que seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi no 88-15.354 Bull 1990 IV no 11 ; 3e Civ., 14 février 1996, pourvoi no 94-13.445 ; 2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi no 16-13.239).
De la même façon, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de la mesure et ne joue qu’à son profit (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi no 18-10.011).
Pour condamner la société STPCL au paiement de différentes sommes à la société Bouygues, l’arrêt retient que l’action engagée par celle-ci sur le fondement contractuel, en l’absence de réception, se prescrit par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil ou de l’article L. 110-4 du Code de commerce, que l’assignation en référé du 25 mars 2010 a interrompu le délai de prescription et que ce délai s’est trouvé suspendu durant les opérations de consultation jusqu’au dépôt du rapport.
En statuant ainsi, alors que l’interruption, puis la suspension de la prescription quinquennale de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres révélés en l’absence de réception de l’ouvrage n’avaient pas profité à la société Bouygues, l’instance en référé ayant été introduite par les consorts X, la cour d’appel a violé les textes susvisés
»
Cass. 3e civ., 19 mars. 2020, n° 19-13.459,P+B+R+I*
 
 
Constructeurs – garantie décennale – exclusion
« Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 juin 2018), Monsieur et Madame X ont vendu leur maison d'habitation à Monsieur et Madame Y. Il a été stipulé dans l'acte notarié que le bien était raccordé à un système d'assainissement individuel en bon état de fonctionnement et que l'acquéreur prenait acte de cette situation et voulait en faire son affaire personnelle sans aucun recours contre quiconque.
Monsieur et Madame Y, ayant constaté des dysfonctionnements du réseau d'assainissement, ont, après expertise, assigné en indemnisation sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil, Monsieur Z, entrepreneur qui avait réalisé l'assainissement
(…) Aux termes de ce texte, toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non écrite.
Pour déclarer irrecevables, pour cause d'exclusion de garantie décennale, les demandes de Monsieur et Madame Y, l'arrêt retient que le litige porte sur le système d'assainissement installé par Monsieur Z et qu'il résulte des termes de l'acte de vente conclu entre Monsieur et Madame X et Monsieur et Madame Y que les parties ont entendu exclure tout recours contre quiconque de la part des acquéreurs concernant le raccordement au réseau d'assainissement.
En statuant ainsi, alors que la clause dont elle a fait application avait pour effet d'exclure la garantie décennale des constructeurs et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé »
Cass. 3e civ., 19 mars. 2020, n° 18-22.983,P+B+I*
 

Travaux – résiliation d’un marché
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 octobre 2018), en vue de la construction d'un atelier d'agencement, la société SRK immobilier (la société SRK) a chargé la société Rochatic architectes (la société Rochatic), assurée par la société Mutuelle des architectes français (la MAF), d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète.
Selon contrats du 26 juillet 2012, le maître d'ouvrage a confié à la société FGTP, placée en redressement judiciaire depuis le 20 juillet 2011, les travaux de terrassement, VRD et espaces verts.
Reprochant à la société FGTP de n'avoir pas respecté les prescriptions du marché lors de la réalisation des travaux de terrassement, la société SRK a, le 12 décembre 2012, résilié les contrats confiés à cette société, qui a été placée en liquidation judiciaire le 17 avril 2013.
Après expertise, la société SRK a assigné la société Rochatic et son assureur, ainsi que le liquidateur de la société FGTP, en réparation des préjudices découlant des non-conformités et désordres apparus avant réception
(…) Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 :
Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Pour rejeter la demande de la société SRK au titre de l'indemnité contractuelle d'interruption du contrat, l'arrêt retient que la résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage n'est pas imputable à la société Rochatic.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Rochatic avait accepté la poursuite du chantier malgré l'absence de conformité des travaux réalisés, laquelle avait motivé la résiliation du marché par la société SRK, la cour d'appel a violé le texte susvisé
»
Cass. 3e civ., 19 mars. 2020, n° 18-25.585,P+B+I*

Rassemblement – absence de déclaration préalable – responsabilité – organisateurs
« Dans la nuit du 27 au 28 avril 2018, un rassemblement de plusieurs milliers de personnes, nommé "Tecknival 2018 - 25ème anniversaire" , a eu lieu, sans déclaration préalable, sur l’ancienne base aérienne de l’OTAN à Marigny (51) ; entre le 29 avril et le 1er mai 2018, les gendarmes ont procédé à la saisie des véhicules appartenant à MM. X et Y, ainsi que du matériel de sonorisation s’y trouvant et de celui transporté par MM. Z et A.
MM. X, Y, Z et A ont été poursuivis devant le tribunal de police du chef d’organisation sans déclaration d'un rassemblement festif à caractère musical avec diffusion de musique amplifiée dans un espace non aménagé.
Le juge du premier degré a déclaré les prévenus coupables de cette infraction, les a condamnés à 200 euros d’amende avec sursis chacun et, à titre de peine complémentaire, a ordonné la confiscation des objets saisis.
Toutes les parties ont relevé appel de cette décision.

 
Contrairement à ce que soutient le moyen, seuls les organisateurs encourent les peines prévues pour l’infraction d’organisation sans déclaration préalable d’un rassemblement exclusivement festif à caractère musical. 
Ainsi, le moyen, qui ne critique pas les motifs par lesquels la cour d’appel a, pour relaxer les prévenus, retenu que ceux-ci n’avaient pas la qualité d’organisateurs, doit être écarté
 ».
Cass. crim., 17 mars. 2020, n° 19-82.117,P+B+I *


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 30 avril 2020

 
 
Source : Actualités du droit