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Détention provisoire : le retour progressif au droit commun

Pénal - Procédure pénale, Peines et droit pénitentiaire
12/05/2020
Par une ordonnance du 26 mars 2020 a été mis en place un dispositif très contesté : la prolongation de plein droit des détentions provisoires. Le Parlement vient d’y mettre fin dans la loi prorogeant l’état d’urgence, publiée le 12 mai 2020 au Journal officiel.
La loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire a été publiée au Journal officiel le 12 mai 2020 (v. Prolongation de l'état d'urgence sanitaire : ce que contient finalement la loi, Actualités du droit, 12 mai 2020). Pour sortir du confinement et revenir au droit commun, le tout de manière progressive et toujours dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, cette loi vient modifier et compléter les dispositions prévues par l’ordonnance du 26 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, JO 26 mars ; v. Covid-19 : ce que prévoit l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 26 mars 2020).
 
Rappelons que cette ordonnance prévoyait la prolongation de plein droit des détentions provisoires. Fortement critiquées (v. Covid-19 : les professionnels vent debout contre l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 8 avr. 2020), ces dispositions exceptionnelles sont modifiées lors des débats à l’Assemblée nationale.
 
En tout, quatre amendements ont été adoptés sur ce sujet et ce, pour accompagner la reprise progressive de l’activité judiciaire et le retour au droit commun des détentions provisoires (TA AN n° 2902, amendement n° CL370, TA AN n° 2905, amendement n° 376, TA AN n° 2905, amendement n° 377, TA AN n° 2905, amendement n° 380).
 
 
Une demande de mise en liberté par mail
L’article 1er de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (L. n° 2020-546, 11 mai 2020, JO 12 mai) prévoit que lorsque la détention provisoire d’une personne a été ordonnée ou prolongée pour garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, protéger cette dernière et mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement (conditions de la prolongation de la détention prévues à l’article 144 du Code de procédure pénale), « l’avocat de la personne mise en examen peut également adresser par courrier électronique au juge d’instruction une demande de mise en liberté ».
 
Cette demande doit être « motivée par l’existence de nouvelles garanties de représentation de la personne », des garanties d’hébergement ou de travail par exemple. À défaut, « toute demande de mise en liberté formée par courrier électronique est irrecevable ».
 
Cette irrecevabilité doit être constatée par le juge d’instruction qui informe l’avocat par courrier électronique. À noter que la décision « n’est pas susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction ».
 
Les auteurs de l’amendement précisent que l’objectif de ces dispositions est que « la demande puisse être adressée sans délai au juge d’instruction, sans exiger que l’avocat ne se déplace au greffe de ce juge, et sans attendre les délais d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception » (TA AN n° 2905, amendement n° 377).
 
 
Le retour progressif au droit commun de la détention provisoire
L’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale contient de nombreuses dispositions applicables en cas de détention provisoire. La loi du 12 mai les complète par un article fixant le principe et les modalités nécessaires à un retour progressif au droit commun de la détention provisoire et ce, dès la date de reprise de l’activité des juridictions, à savoir le 11 mai.
 
Pour les auteurs de l’amendement, « s’il apparaît nécessaire que les règles applicables en matière de détention provisoire reviennent aussi rapidement que possible à celles du droit commun, dès la reprise progressive de l’activité des juridictions à compter du 11 mai et ainsi que la ministre de la Justice s’y était engagée, il convient néanmoins que le législateur accompagne ce retour à la normale en permettant aux juridictions de statuer sur les prolongations de détention provisoires dans des conditions satisfaisantes et en garantissant la sécurité juridique des procédures en cours » (TA AN n° 2902, amendement n° CL370).
 
Le débat contradictoire devant le JLD en matière de prolongation de la détention provisoire est donc rétabli.
 
Une réponse aux prolongations de plein droit
La loi prévoit qu’« à compter du 11 mai 2020, la prolongation de plein droit des délais de détention provisoire prévue à l’article 16 n’est plus applicable aux titres de détention dont l’échéance intervient à compter de cette date et les détentions ne peuvent être prolongées que par une décision de la juridiction compétente prise après un débat contradictoire intervenant, le cas échéant, selon les modalités prévues à l’article 19 ». Pour rappel, cet article prévoit que le JLD statue sur la prolongation au vu des réquisitions écrites du procureur de la République et de celles de la personne et de son avocat, lorsque l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle est impossible, à moins que le conseil du détenu demande de présenter des observations orales.
 
Aussi, si l’échéance du titre de détention  de droit commun intervient avant le 11 juin 2020, « la juridiction compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de cette échéance pour se prononcer sur sa prolongation, sans qu'il en résulte la mise en liberté de la personne, dont le titre de détention est prorogé jusqu'à cette décision ». La prolongation devant s’imputer sur la durée de la prolongation décidée.
 
Pour les délais de détention au cours de l’instruction, la durée est celle prévue par le droit commun ; « toutefois, s'il s'agit de la dernière échéance possible, la prolongation peut être ordonnée selon les cas pour les durées prévues à l'article 16 de la présente ordonnance », à savoir la prolongation de plein droit : deux mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans, trois mois dans les autres cas et six mois en matière criminelle et en matière correctionnelle pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel.
 
S’agissant des délais d’audiencement, la prolongation peut être ordonnée selon les mêmes délais que ceux de la détention provisoire, même si elle intervient après le 11 juin.
 
« La prolongation de plein droit du délai de détention intervenue au cours de l'instruction avant le 11 mai 2020, en application dudit article 16, n'a pas pour effet d'allonger la durée maximale totale de la détention en application des dispositions du Code de procédure pénale, sauf si cette prolongation a porté sur la dernière échéance possible » prévoit l’article 1er de la loi.
 
À noter que concernant la prolongation de six mois, elle ne peut maintenir ses effets jusqu’à son terme « que par une décision prise par le juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues à l’article 145 du Code de procédure pénale et, le cas échéant, à l’article 19 de la présente ordonnance ». Le JLD a trois mois avant le terme de la prolongation pour donner sa décision. À défaut, « la personne est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour autre cause ».
 
La loi prévoit également que « pour les délais de détention en matière d'audiencement, la prolongation de plein droit des délais de détention ou celle décidée en application du troisième alinéa du présent article a pour effet d'allonger la durée maximale totale de la détention possible jusqu'à la date de l'audience prévue en application des dispositions du code de procédure pénale ».
 
Ces dispositions sont applicables aux assignations à résidence sous surveillance électronique.
 
Les auteurs de l’amendement soulignent qu’« en retenant la date du 11 mai et non celle du 25 mai, en inscrivant directement dans la loi, de façon suffisamment précise, les règles applicables et en prévoyant, pour une courte durée, un dispositif transitoire nécessaire pour éviter la mise en liberté immédiate de personnes sans que les juridictions n’aient eu le temps de se prononcer, cet amendement permet, dans le respect des exigences constitutionnelles, de revenir plus rapidement au droit commun que le prévoyait le texte adopté par le Sénat » (TA AN n° 2902, amendement n° CL370). Le Sénat ayant d’ailleurs validé ces amendements lors de la commission mixte paritaire.
 
 
Des garanties apportées
Un article fait son apparition dans l’ordonnance par le biais de la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire. L’objectif : « apporter une importante garantie aux personnes dont la détention provisoire a pu, en application de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020, être prolongée de plein droit pendant les sept semaines de confinement, sans décision expresse d’un juge et sans contradictoire » (TA AN n° 2905, amendement n° 376).
 
L’article prévoit ainsi que la chambre de l’instruction peut être saisie directement d’une demande de mise en liberté lorsque l’intéressé n’a pas comparu devant le juge d’instruction ou le magistrat délégué, dans les deux mois suivant la prolongation de plein droit de sa détention provisoire. La chambre de l’instruction devra alors statuer dans les conditions prévues par l’article 18 de l’ordonnance, à savoir la prolongation des délais impartis pour statuer sur ce type de demande d’un mois.
 
Source : Actualités du droit